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L’acceptation du principe du renouvellement vaut renonciation du bailleur à se prévaloir de l’acquisition du jeu de la clause résolutoire : retour sur l’arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 11 mai 2022, n°19-13.738

Auteur : Maxime GRAVELLIER
Publié le : 13/06/2022 13 juin juin 06 2022



 Lorsqu’un contrat de bail commercial arrive à échéance, plusieurs situations sont susceptibles de se présenter.

Parmi celles-ci, il arrive fréquemment que le locataire prenne l’initiative de notifier à son bailleur une demande de renouvellement, ce qu’il peut faire dans les six mois précédant l’expiration du bail ou à tout moment en période de tacite prolongation.

Cette notification de la demande de renouvellement n’est pas un acte anodin et doit conduire le bailleur à faire preuve de vigilance dans la mesure où elle marque le point de départ d’un délai de trois mois dont disposera le propriétaire pour faire savoir à son cocontractant s’il accepte ou non le renouvellement, étant précisé que le défaut de réponse dans ce délai vaudra acceptation du principe du renouvellement mais non de ses modalités (de sorte notamment  qu’il sera toujours possible de discuter du montant du loyer).

Dans les faits à l’origine de cet arrêt, le locataire avait sollicité le 12 octobre 2017 le renouvellement de son bail alors en tacite prolongation.

Le 22 novembre 2017, le bailleur a fait délivrer à son locataire un commandement de payer et de justifier de la souscription d’une assurance contre les risques locatifs visant la clause résolutoire (il s’agit là d’un préalable obligatoire à l’engagement d’une procédure de référé destinée à obtenir la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, ce qui implique que le commandement soit demeuré infructueux passé un délai d’un mois suivant sa signification).

En réaction à ce commandement, le locataire a saisi le juge des référés d’une demande de délais de paiement sur le fondement de l’article L145-41 du Code de commerce.

Etonnamment, le 12 janvier 2018, le bailleur a expressément fait savoir à son locataire qu’il acceptait le principe du renouvellement, sauf à solliciter une augmentation du loyer.

De manière encore plus étonnante, le 28 mars 2018, le bailleur notifiait des conclusions en réponse à l’assignation de son locataire visant à solliciter l’octroi de délais, aux termes desquelles il sollicitait, à titre reconventionnel, le constat de l’acquisition du jeu de la clause résolutoire et, partant, l’expulsion, de son locataire.

En résumé, après avoir manifesté sa volonté de mettre un terme au bail via la signification le 22 novembre 2017 d’un commandement visant la clause résolutoire, le bailleur acceptait le principe du renouvellement l2 janvier 2018 avant finalement de solliciter du juge qu’il constate la résiliation de plein droit du bail.

Le juge de première instance a fait droit à la demande du bailleur et par arrêt confirmatif du 16 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris a constaté l’acquisition du jeu de la clause résolutoire et prononcé l’expulsion du preneur en considérant que ce dernier ne pouvait valablement soutenir que le bailleur avait renoncé à se prévaloir du commandement du 22 novembre 2017 dès lors que le bail conclu entre les parties avait été résilié de plein droit le 22 décembre 2017, le bailleur étant alors libre de consentir un nouveau contrat, ce d’autant que les parties ne s’étaient pas encore entendues sur les termes d’une éventuelle nouvelle convention et notamment sur le montant du loyer.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation :

« L’acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail sous la seule réserve d’une éventuelle fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé manifeste la volonté du bailleur de renoncer à la résolution de celui-ci en raison des manquements du locataire aux obligations en découlant et dénoncés antérieurement ».

Cette décision est parfaitement orthodoxe sur le plan juridique dans la mesure où il ne s’agit finalement que d’une application du principe selon lequel il est possible de renoncer à un droit dès lors que cette renonciation est certaine et qu’elle résulte d’une manifestation de volonté non équivoque.

Or, en l’espèce, le bailleur avait notifié le 12 janvier 2018 son acceptation du principe du renouvellement ce qui traduisait nécessairement une manifestation de volonté non équivoque de renoncer à la résiliation.

En revanche, la solution aurait évidemment été différente si le bailleur n’avait pas répondu à la demande de renouvellement de son locataire dans le délai de trois mois, le silence gardé par le bailleur ne pouvant être interprété comme une manifestation de sa part de ne plus se prévaloir des manquements de son locataire et donc de renoncer à la résiliation du bail.


 

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